jeudi 2 mars 2017

Contes du vieux château : Une bague de fiançailles pourquoi faire ?

La bague de fiançailles, accessoire serti de romantisme chevaleresque par excellence, attise voeux énamourés et grands frissons depuis que Dieu créa la femme .
Chaque époque eut ses coutumes , étranges ou rutilantes, mais le lien amoureux persista à résister aux barbares par la grâce de cet anneau touchant un nerf qui, selon les traditions, va droit au coeur .
Surtout ne pas se tromper de doigt ! ni de main ! si la bague modeste ou inouïe n'encercle le quatrième doigt de la main gauche, les catastrophes de fondre , les malédictions de pleuvoir en trombes ...
Avant le mariage, les jeunes filles  doivent craindre les pires farces du destin si elles dérogent à la  loi sacrée : aucune bague de valeur et surtout pas à la place de la toute puissante bague de fiançailles . Cet anneau dit tout : il s'arbore à l'instar d'une déclaration solide , d'un engagement absolu .
 Ainsi les Romains, pleins de bon sens, préconisaient-ils le fer, dénué de la plus insignifiante pierre. C'était une façon de promulguer le prosaïsme d'un mariage voué aux vertus civiques plus qu'à la passion échevelée . Qu'on se rassure : les patriciennes  ( si l'époux accédait au moins à l'ordre Equestre), afin d'affirmer leur enviable statut de nobles et importantes matrones, juchaient sur leurs fronts de précieux diadèmes .
Une consolation partagée avec une foule de babioles en turquoise, péridot, cornaline ou émeraude venues d'Orient et envahissant les foyers par l'ingéniosité des marchandes itinérantes; ces fléau des époux et fiancés !
Or, qu'importe ces colifichets flatteurs, colliers, bracelets, boucles d'oreilles, face à la foi en l'autre illustrée par le seul anneau ? Les siècles s'évaporent, l'éloquence brillante de la bague s'exacerbe en étincelant dans tous les rêves des amoureuses.
 Heureusement on est bien loin du rude métal de la bague des noces romaines !
 D'ailleurs, l'antiquité avait d'autres goûts, les belles Grecques, déterminées à endosser le rôle de maîtresse de maison et d'épouse respectable, attendaient  un plus charmant gage de la part d'Aphrodite ; souvent une pierre bleue évoquant la naissance au sein des flots de la méditerranée de cette déesse qui, par étourderie, épousa le rude dieu forgeron Héphaïtos (peut-être pas un exemple à suivre !).
Au royaume de France, au coeur du Moyen-Âge, dédaignant les anneaux de fil d'or ciselé des chevaliers à leurs dames, c'est un futur Saint et un héroïque chevalier qui offre avec sa couronne une bague en émeraude à sa fiancée bientôt reine, la douce Marguerite de Provence .
Saint-Louis instaure ainsi la sempiternelle obligation du caillou conjugal .
La pierre verte, béryl fragile dont les princesse égyptiennes faisaient un cas extrême, attire toujours les aventuriers du mariage  dédaignant les sages avis de ceux qui mettent le diamant eau plus haut du firmament amoureux .
Cette pierre adamantine (adamas en grec ancien signifie indomptable ou incassable), transparente au point de ne rien exprimer fortifierait-elle les sentiments parfois volages ou rebelles ?
 C'est vite dit !
Le diamant n'est certainement pas le gage d'une union exquise . Et, il serait même bon de s'en méfier si l'on songe aux malentendus épouvantables qui secouèrent certains époux noces étoilant l'histoire littéraire .
A commencer par une figure adorée de l'ensemble de la planète depuis sa création en 1936 :
l'impétueuse femme-enfant cavalcadant,aux temps troublés de la guerre de Sécession américaine , entre son rouge domaine de Tara et la ville neuve d'Atlanta ; la divine aux yeux" verts petits -pois"et aux sourcils noirs, la  coquette irascible , l'amoureuse incontrôlable, l'héroïne passionnée de vie "d'Autant en emporte le vent " : la tenace et singulièrement charmante Scarlett O'Hara .
"Autant en emporte le vent " est un étrange récit  de massacres et de désolation , échappant au mélodrame par une description détaillée des épisodes douloureux de cette guerre fracturant de façon irrémédiable Nord et Sud de la jeune Amérique .Pourtant , la majorité des lecteurs (ou spectateurs du film le plus fastueux du monde) ne retiennent que l'inexplicable et absurde histoire du rendez-vous manqué entre deux amants qui jamais ne se comprirent .
L'égoïste et goujat Rhett Butler , gentilhomme Sudiste se faisant un malin plaisir de déroger aux traditions de son monde , nous plonge toutefois dans une perplexité amusée à l'issue d'une scène fort torride  pour les temps victoriens .
Scarlett est veuve d'un second époux aussi insignifiant que fut le premier .Mais , bizarrement , les remords l'assaillent , serait-ce sa faute si le malingre Frank Kennedy est allé venger l'honneur de sa femme en tendant une embuscade à ses agresseurs en compagnie des autres membres du tout nouveau Ku Klux Klan ?
L'esprit embrumé par le cognac , empanachée de noir exquis, la ravissante veuve affole les désirs de ce séducteur impénitent de Rhett venu lui présenter de très convenables condoléances .
Une demande en mariage ranime l'évanescente Scarlett, perdue de volupté sous l'averse de baisers de cet consolateur singulier , homme d'action certain d'obtenir ce qui lui plaît. L'insolite demande est acceptée ! pourquoi ?
Scarlett en réalité n'en sait rien ! elle est incapable de résister, voilà tout .
Et, c'est au beau milieu de ce déferlement sensuel que l'infernal Rhett,  comme s'il avait affaire à une fiancée innocente au front rougissant, propose une bague !
Pour le coup, Scarlett est tout à fait guérie de ses regrets endeuillés !
Son ébranlement moral s'évanouit en cédant le pas à un sens-pratique aussi peu romanesque que la déclaration officielle du butor prétendant affirmant qu'il l'épouse car il ne l'aime pas.
Sa franchise ne laisse aucun doute :
" Je n'ai pas plus d'amour pour vous que vous n'en avez pour moi, et si jamais je vous aimais, vous seriez la dernière personne à qui je le dirais ."
Scarlett n'en perd guère son appétit envers les belles pierres. A défaut d'amour pur ,elle aura un diamant de la plus belle eau . Et naturellement une pierre imposante ,sinon, l'effet rayonnant sur sa main, à peine guérie des ravages de son travail aux champs  pendant la guerre, sera manquée !
Aussi ne craint-elle d'indiquer son choix même s'il risque de choquer Rhett encore assez sensible au bon goût. A l'interrogation finalement généreuse du brutal fiancé :
"Quel genre de bague aimeriez-vous  ?"
  Scarlett rentre ses griffes et rétorque d'une voix veloutée de convoitise :
"Oh ! un diamant...surtout , Rhett, ne manquez pas de m'en acheter un gros ."
Rhett s'esclaffe, un gros diamant ! quoi de plus provoquant ?
Quelle faute diplomatique quand les gens du Sud  souffrent de façon effroyable après la défaite ! tant pis pour Scarlett, puisqu'elle tient à faire mourir d'envie ses amies ruinées par la guerre, il veut bien accéder à son désir enfantin .
Mais, ce sera à elle d'oser éblouir leur cercle d'aristocrates misérables du luxe insoutenable de son  nouveau trophée .
Pourtant, Scarlett n'a pas si mal choisi : le diamant ne reflète-t-il l'amour fidèle ?
 Si Rhett avait su lire le langage des pierres, il en aurait été fort rasséréné ! le diamant est de toute manière la pierre des fiançailles bourgeoises .De nos jours, son prestige règne en maître. Les jeunes fiancées américaines ne jurent que par sa limpide froideur .
 Pour un esprit pragmatique d'ailleurs, le diamant ne reste-t-il une valeur parfaitement établie ?
 Un "combien m'aimes-tu "? Ses quatre critères , carat (poids), cut (taille),colour et clarity (pureté) scandent les rêves des âmes les moins douées de liberté dans l'art d'inventer leur vie sans se soucier de l'opinion d'autrui .
L'impétueuse Scarlett nous déçoit un peu ...
Cette rebelle se plie aux usages victoriens en donnant la préférence au classique des classiques.
Quel dommage, une émeraude au" jardin" secret, un grenat vert- printemps, un péridot à la teinte d'herbe en été, une tourmaline vert- forêt auraient exalté son regard et fait chanter sa peau laiteuse .
Rhett, dans un élan désespéré, tente d'adoucir sa trouvaille, une pierre pesant un bon poids de carats. Inventif, l'aventurier sudiste s'efforce de transformer en grosse marguerite  l'inestimable diamant enlevé à la convoitise d'un prince indien dans une joaillerie de Londres, aussi feutrée qu'une ambassade Suisse .
Voici la pierre arrogante soudain encerclée  d'une épaisse guirlande de radieuses émeraudes, hélas ! trop c'est trop .
Ce prodigieux bijou illustre la vanité de sa propriétaire et non la passion soigneusement cachée du futur époux. Scarlett aurait dû s'évanouir de bonheur quand Rhett a glissé le fatal joyau à son annulaire; au contraire, ce qui prouve qu'il lui reste un peu de bon sens, elle se pâme d'horreur :
"En vérité ,la bague que Rhett rapporta d'Angleterre était fort grosse ,si grosse que Scarlett fut gênée de la porter .Elle aimait les bijoux coûteux et tape-à-l'oeil, mais elle éprouvait la sensation désagréable que tout le monde pensait, non sans raison, que la bague était vulgaire .Elle lui recouvrait entièrement la première phalange de l'annulaire et donnait l'impression d'entraîner la main par son poids ."
Scarlett a-t-elle eu la présence d'esprit, à l'instant où Rhett ironique lui essaya sa création scintillante , de plier vivement son quatrième doigt de la main gauche ?
Ce preste mouvement visait à arrêter la bague à la dernière phalange afin de s'assurer d'être la reine incontestée du nouveau foyer ! et non l'épouse soumise à son maître .
Nos arrières- arrières-grands-mères annonçaient déjà un féminisme distingué ...
Quant à la malheureuse Scarlett, sa bague  ne lui portera guère bonheur .Incapable de déchiffrer cette vivante énigme que sera jusqu'au bout l'impavide Rhett, la belle entêtée accumulera les signes d'une fortune extérieure aussi évidente que la valeur des pierres offertes par son bizarre mari.
Le mariage sera un naufrage et l'exil intérieur des deux époux une triste réalité.
Peut-être l'offrande d'un bijou raffiné avouant un tendre lien aurait-il aidé Scarlett, femme au caractère impatient, à deviner la profondeur de l'amour que n'osait lui révéler le méfiant Rhett.
Ce dernier eut sa part dans ce désastre conjugal : ne retint-il  les élans de Scarlet lors de sa déclaration à la hussarde en lui affirmant d'un ton définitif :
"Que Dieu vienne en aide au malheureux qui vous aimera pour de bon .
Si jamais un tel homme existe, vous lui broierez le coeur ..."
Ainsi,sa fastueuse bague lui égratignant le doigt, Scarlett abandonnant l'espoir d'être aimée de son époux prolongea sottement ses nostalgiques émois d'adolescente envers le fade et lâche Ashley Wilkes .
Si seulement Rhett  avait orné la main de Scarlett d'un rubis s'accordant avec son prénom  flamboyant, sa passion ,enfermée comme un honteux secret, se serait enfin frayée un chemin étincelant vers le coeur de cette fiancée étonnée et ravie .
On se détourne souvent des pierres rouges, pourtant nulles autres gemmes n'embrasent mieux l'intensité d'un amour naissant, ou ressuscité ...
Ou encore, si un saphir à la robe de soie s'était étoilé au doigt de l'audacieuse Scarlett, il aurait corrigé par sa magie discrète les désirs excessifs, la fougue lassante, la courte-vue de l'héroïne sudiste. Guidée par l'éclat bleu de cette gemme bleu nuit ou azur céleste , Scarlett aurait pris la peine d'écouter Rhett , de le deviner en déployant une finesse inattendue.
Qui sait ? Le dénouement "D'Autant en emporte le vent " ne tenait peut-être qu'au choix d'une bague de fiançailles !
Tous les joailliers de la terre se réjouiraient de sertir la seconde bague, celle que l'on pressent en dépit des funestes paroles de Rhett reniant son amour à la fin du roman :il n'éprouve plus rien, son amour jamais payé en retour a fini par s'éteindre ...
Ces mots  navrent l'âme et sonnent faux.
Scarlett en a l'intuition . Cette sudiste est une guerrière; le mot de la fin, c'est elle qui l'écriera à la pointe de son regard vert .
Et une fois Rhett revenu à elle, car , elle le sait, dusse-t-elle attendre le bout de la vie, il lui reviendra, il lui devra bien une seconde bague, juste pour marquer d'une pierre ce retour de flammes .
Pourquoi ne pas s'amuser à parier qu'un "toi et moi" serti à une époque où le bijou du sentiment prenait le pas sur la valeur des ornements, anneau rehaussé de deux pierres jumelles, bague mille fois plus efficace qu'un touchant discours, bague réservée aux amants incorrigibles, mériterait d'unir ces deux êtres semblables d'opiniâtreté et de passion irréfragable de la vie ?
"Avec l'énergie de ceux de sa race, qui ne s'avouent jamais vaincus, même lorsque la défaite les regarde en face, Scarlett releva le menton .elle ramènerait Rhett à elle. Elle savait qu'elle y parviendrait ."
On le lui souhaite de tout notre coeur !
En hommage au tempérament résolu de Scarlett, ce poème de Robert Desnos dont la Foi transfigure nos fatalismes faciles :
"Agé de cent mille ans, j'aurais encore la force
De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses ,
Peut gémir : le matin est neuf, neuf est le soir .

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille, nous gardons la lumière et le feu ,
nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu .

Or du fond de la nuit , nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent ."

En ce début de printemps , cueillez" les roses de la vie", les pierres de votre imagination, et l'espoir vert comme l'herbe nouvelle,

à bientôt,

Lady Alix ou Nathalie-Alix de La Panouse
Une bague de 1750 qui aurait porté bonheur à Scarlett et à Rhett 

                                                                                            Château de St Michel de Lanès

                                                                                           Cabinet St Michel Immobilier CSMI

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